Vaches allaitantes : des pistes à creuser pour améliorer le revenu
La production de vaches allaitantes est en repli. Pour tirer leur épingle du jeu, les producteurs peuvent jouer sur plusieurs leviers : cibler la sortie des animaux, explorer d’autres segments de marché… Ils ne doivent pas non plus oublier de regarder du côté de leurs résultats techniques et de leurs coûts de production. Le point avec Raymond Barré, conseiller à la chambre d’agriculture de Bretagne.

"On assiste à une décapitalisation du cheptel allaitant, indique Raymond Barré. À 3,89 millions de vaches, la France est revenue au niveau de 2014. Et fin 2019, la Bretagne comptait 105 000 vaches, un chiffre en baisse de 2 % par an". Une baisse qui s’accompagne d’une diminution accélérée du nombre d’éleveurs : de - 800 par an de 2006 à 2015, on est désormais passé à - 1 500 au niveau français.
Du haché de race allaitante
"Le haché s’empare du marché français". Intervenant lors de l’assemblée générale du syndicat de race Limousine Finistère, le 6 février dernier à Ergué Gabéric, le conseiller viande bovine des chambres d’agriculture de Bretagne a commencé par rappeler que le steak haché a gagné 20 % de parts de marché en 2-3 ans seulement. "La ménagère veut du facile à cuisiner. Et le haché plaît aux petits, aux aînés, à la restauration hors foyers, aux collectivités…". Un engouement qui se retrouve aussi en bio, "où il atteint désormais 70 % des volumes". Si les races laitières régnaient jusqu’à présent en maître sur ce segment de marché, le secteur allaitant doit à présent y faire sa place. "Du steak haché label rouge ? Sans OGM ? Les éleveurs auront besoin de la filière pour relever ce nouveau défi".
Des broutards en morte-saison
Au niveau de leurs exploitations, les éleveurs allaitants ont aussi des cartes à jouer. "Diversifiez et pérennisez vos débouchés", leur lance Raymond Barré, en leur conseillant de s’orienter vers des marques ou des labels pour les femelles, de proposer des broutards vaccinés et écornés, et plutôt nés à l’automne, pour leur éviter une sortie estivale, durant laquelle la demande est moindre. "Les chiffres sont clairs : au marché aux broutards du Mol, il y a une différence de 0,4 €/kg entre les ventes de janvier-février et celles d’août-septembre". Le climat breton autorisant un décalage des vêlages, autant en profiter ! "Et il faut viser des broutards lourds, nettement mieux valorisés".
Mais les producteurs de viande bovine peuvent aussi explorer d’autres pistes. "Pourquoi ne pas proposer des veaux rosés en vente directe, tenter le circuit court, la transformation…". Pour capter de la valeur ajoutée et diversifier leurs revenus, nombreux sont ceux qui s’orientent vers des panneaux photovoltaïques, d’autres productions, comme les légumes, de la vente de services… "Demain, le bovin sera rarement seul", prédit le conseiller.
Bien finir ses animaux
"Il ne faut pas tout attendre du marché", affirme Raymond Barré, en évoquant des écarts considérables entre élevages en termes de résultats économiques. Ainsi, si un peu plus d’un élevage sur quatre dégage moins de 600 € de valeur ajoutée et d'aide par vache en système naisseur-engraisseur, ils sont 38 % à se situer entre 800 et 1 200 € et 15 % à les dépasser.
"Il faut viser un veau par vache et par an, avec des vêlages à 30 mois, une préparation au vêlage, minéraux et vitamines, pour perdre moins de veaux. Et vendre les vaches improductives". Pour abaisser le coût de production, il faut également une génétique mixte, mêlant qualités maternelles et qualité de viande. "L’engraissement des jeunes bovins reste intéressant, rajoute Raymond Barré. Et bien finir ses femelles est toujours payant". Les efforts doivent aussi porter sur les cultures, avec des stocks de qualité, herbe comme maïs, des céréales pour la paille et la finition des animaux. "Le coût alimentaire est à surveiller".
Financer autrement
Production gourmande en capitaux, la viande bovine peine à attirer des candidats à l’installation. "Il faut revoir le financement de l’agriculture, affirme le conseiller, chiffres à l’appui. Pour un atelier de 60 vaches naisseur-engraisseur et 80 ha, la valeur non amortissable, foncier et cheptel, représente entre 600 000 et 800 000 €, soit de 23 000 à 30 000 € d’annuités sur trente ans, 38 à 50 000 € avec les charges sociales. Assez pour dépasser le seuil de la DJA !" La solution ? "Elle est en partie aux mains des cédants, qui peuvent opter pour un GFA, une location-vente des bâtiments…".
De son côté, l’éleveur doit limiter les investissements en bâtiment, matériel, foncier et cheptel en commençant, pourquoi pas, par des broutardes et une installation progressive. "Et pour préserver ses prélèvements privés, il doit mieux gérer sa trésorerie, en finançant les stocks ou la croissance du cheptel".
Face à la situation difficile que vivent nombre d’éleveurs, le conseiller les exhorte à "se fixer des limites du point de vue du travail et des investissements", mais aussi "à trouver un équilibre entre travail, famille, santé et loisir".