Blé, maïs, colza, soja : tour d’horizon de la situation mondiale
Comment y voir clair entre la canicule et la sécheresse en France, les inondations du printemps aux États-Unis, la guerre commerciale USA-Chine… ? Quelles conséquences sur les productions et les prix des productions végétales ? Quel impact pour les agriculteurs bretons ? Éléments de réponse.

La récolte du maïs grain bat actuellement son plein en Bretagne. Mais que font nos "voisins" agriculteurs dans le monde en cette période de l’année ? Nos concurrents russes et ukrainiens sont en avance sur nous : environ la moitié de la récolte de maïs grain est réalisée en mer Noire, tandis que la grande majorité des surfaces planifiées en colza et céréales pour la récolte 2020 est déjà en terre. Les plantes doivent en effet avoir atteint un stade suffisant pour résister aux rigueurs de l’hiver russe. De l’autre côté de l’Atlantique, aux USA la récolte de maïs n’a pas encore commencé. Si l’on bascule maintenant dans l’hémisphère sud, les calendriers culturaux s’inversent. Alors que nous récoltons, les Brésiliens et les Argentins sont actuellement en plein semis de maïs et de soja. La récolte du blé en Argentine et Australie se déroule en novembre et décembre. Pas évident dès lors de dresser un bilan de campagne dans un monde en perpétuel mouvement !
Blé : rendements exceptionnels en France
Nombreux sont les agriculteurs bretons à signaler cette année des rendements records sur leurs exploitations. Les 100 quintaux ont été atteints dans les bonnes parcelles, voire en moyenne sur des surfaces significatives. Agreste annonce un rendement moyen 2019 de 79,7 q/ha ; supérieur de 8,3 % à la moyenne décennale. Le rendement moyen français est de 78,5 q/ha pour une production nationale de blé de 39,4 millions de tonnes (Mt). Avec 152 Mt, l’Europe retrouve un niveau de production proche de 2017 après la catastrophique récolte de 2018 réduite par la sécheresse. Les 3 pays de la mer Noire, Russie, Ukraine et Kazakhstan totalisent près de 115 Mt. Les productions européennes sont donc d’un bon niveau en 2019, tout comme la production mondiale qui atteint 764 Mt. Le stock mondial de blé est actuellement confortable, ce qui explique en grande partie la chute des prix observée depuis la fin juin. Le prix du blé a baissé d’environ 20 €/t durant l’été. Conséquence logique de cette baisse de prix : les acheteurs se sont positionnés sur les marchés. Le Maroc, l’Arabie Saoudite, l’Algérie, l’Égypte ont lancé des appels d’offre remportés principalement par l’Union Européenne et la Russie. L’Europe, dont la France, est actuellement avantagée par un Euro faible, voisin de 1,10 $, ce qui la rend compétitive sur les marchés face par exemple à nos concurrents russes qui vendent leurs marchandises en dollars. Le dynamisme du marché redonne du souffle et fait remonter les prix en octobre.
Côté hémisphère Sud, l’Argentine et l’Australie sont dans des positions contrastées. L’Australie, qui pourrait paraître insignifiante sur le marché mondial, exporte la moitié de sa production annuelle de blé soit environ 10 Mt. Elle fait cette année une nouvelle fois face à une sécheresse importante qui va réduire sa production, et donc son potentiel exportable. Cet élément explique aussi le rebond des prix que l’on connaît actuellement. L’Argentine quant à elle se porte bien, et s’apprête à tenter une percée sur les marchés nord-africains, habituellement chasse-gardée des Européens et des Français notamment. Le marché du blé n’est donc jamais au repos, sans cesse en évolution entre les accidents climatiques et l’arrivée de nouveaux acteurs sur la scène mondiale.
Maïs : inondations aux USA au printemps
La météo sera venue perturber le déroulement de la campagne du maïs, au plus près de nous comme au plus loin.
L’été breton, chaud et sec, a logiquement été défavorable à une culture de printemps comme le maïs. Si les récoltes en grain sont en cours, les résultats en ensilage donnent une tendance avec des réductions de rendement selon les zones estimées à un quart voire un tiers de la moyenne habituelle.
Dans le Midwest américain, les trois principaux états producteurs de maïs que sont l’Illinois, l’Iowa et le Nebraska ont connu en mars des inondations historiques. Le réchauffement climatique et le phénomène El Nino en sont responsables, avec une fréquence de pluies rarement observée sur une courte période. Les semis de maïs qui se déroulent à partir de mai ont alors été l’objet de toutes les attentions de la part des acteurs mondiaux. La crainte de voir baisser les surfaces emblavées a immédiatement fait monter les prix d’environ 20 €/t en quelques semaines. Il faut rappeler que les États-Unis produisent près de la moitié du maïs dans le monde ; tout événement significatif dans ce pays a donc rapidement des répercussions mondiales. La situation s’est finalement stabilisée, et la production américaine est attendue sur des niveaux certes en retrait mais moins catastrophiques qu’annoncés (340 Mt environ contre 370 Mt habituellement).
Colza : une tendance continue à la hausse
Le marché du colza aura montré un comportement atypique cette année avec une hausse quasi-continue des prix. Le cours a gagné environ 35 €/t depuis le printemps. Alors que les stocks mondiaux de blé et de maïs sont plutôt confortables, le bilan est plus tendu en colza. La récolte 2018 n’a pas été importante, les conditions sèches de semis à la fin de l’été 2018 a réduit les surfaces en France et en Europe. L’Ukraine a également réduit ses surfaces à cause de réductions d’avantages fiscaux jusqu’alors accordés aux exportateurs. Des craintes ont longtemps pesé sur la production du Canada, leader mondial sur le marché du colza, avec encore actuellement des conditions de récolte rendues difficiles par les pluies. Dernier élément : le marché de l’huile de palme en Malaisie, qui influence fortement celui de colza, actuellement assez porteur étant donné la production inférieure aux attentes. Tout ceci combiné rend le marché du colza attractif, d’autant que cette culture réussit bien aux producteurs bretons grâce aux effluents d’élevage qui conduisent à de bons rendements. La campagne 2019-2020 démarre aussi difficilement que la précédente pour la même raison : les conditions sèches au semis. La surface française est attendue à 1,2 million d’hectares.
Instabilité climatique et volatilité des marchés sont devenus le lot quotidien des agriculteurs bretons.
Soja : un marché soumis au bon vouloir de Trump et Xi Jinping
La Chine importe environ les deux tiers des volumes de soja échangés dans le monde. Elle en produit environ 17 Mt et en achète près de 90 Mt. Les USA exportent environ un tiers de leur production vers la Chine, pour un montant total de 14 milliards de dollars. Il est alors aisé de comprendre que les tensions commerciales entre les deux pays impactent fortement le marché mondial du soja.
La production 2019 de soja est bonne : 340 Mt, en retrait par rapport à 2018 mais du niveau de 2017. La guerre commerciale ralentit les échanges mondiaux, et fait donc baisser les prix.
Autre élément décisif : la peste porcine africaine, qui a conduit à l’abattage de 40 % du cheptel de porcs chinois. Les besoins chinois en soja ont naturellement été réduits. Ces événements mondiaux profitent doublement aux agriculteurs bretons : un débouché vers la Chine pour le porc breton avec des prix qui s’envolent, et des tourteaux de soja à prix intéressants pour les éleveurs.
Ce rapide tour d’horizon des productions végétales mondiales a de quoi donner le tournis, tant sont nombreux les événements qui interagissent, événements agricoles ou non. Instabilité climatique, volatilité des marchés, sont devenus le lot quotidien des agriculteurs bretons, tantôt à leur avantage, tantôt la cause de graves difficultés. Rendre son système résilient, robuste et autonome face à cette incertitude devient plus que jamais un atout de choix.