Recyclage des déchets plastiques : l'agriculture marque un temps d'avance
Exemplaire, la ferme France recycle 90 % de ses déchets plastiques collectés grâce à une organisation en place depuis 20 ans. Alors que la réglementation sur le recyclage du plastique va aller en se durcissant, l'agriculture doit garder son avance.

Grâce à son avance en matière de recyclage des plastiques, l'agriculture échappe à l'ingérence (pour le moment) de l'Etat qui vient d'adopter une loi sur l'économie circulaire début 2020. En fait, l'avant-gardisme du secteur agricole dans le recyclage du plastique a été reconnu ! "Si nous sommes arrivés à ce résultat c'est parce que vous avez été proactifs depuis presque 20 ans. On a démarré bien avant d'autres secteurs professionnels qui eux sont en combat défensif aujourd'hui. Deuxièmement, il y a la performance avec des taux de recyclage très élevés puisque la quantité d'emballages recyclés rapportée à la quantité d'emballages mises sur le marché était de 68 % en 2019", tient à féliciter Pierre de Lépinau, le directeur d’Adivalor lors d'un comité de pilotage régional sur le plastique le 2 juillet dernier à Ploërmel. Quand en France, le taux de recyclage des déchets plastiques (tous confondus) parvient à seulement 24 % et que l'objectif fixé par la directive européenne en matière de recyclage devra atteindre 55 % d'ici 2025, Il faut s'y attendre : la période après Covid s'inscrit dans un regain d'intérêt pour l'écologie et l'environnement et les exigences de la réglementation sur le plastique n'iront qu'en se durcissant (voir encadré). "La seule réponse : il faut être proactif", défend le directeur d'Adivalor. Il ne faut rien attendre du ministère de l'Ecologie".
Adivalor, une organisation collective
A.D.I.VALOR (Agriculteurs, Distributeurs, Industriels pour la VALORisation des déchets agricoles) est une initiative volontaire et collective de l’ensemble de la profession agricole créée en 2001, qui organise la collecte et la revalorisation des plastiques usagés : films, filets et emballages du secteur agricole. 76 000 tonnes à l'échelle du territoire sont pris en charge par 1 200 distributeurs (coopératives et négociants), acteurs de la logistique des collectes. En tout, 300 000 utilisateurs professionnels rapportent leurs emballages vides, déchets et produits périmés. Près de 90 % des emballages et plastiques collectés sont recyclés pour fabriquer des sacs poubelles, des éléments de construction, des tubes ou des canalisations, des raccords en plastique, du mobilier urbain... En Bretagne, il existe 753 points de collecte répartis entre 90 opérateurs, associés à quatre plateformes de regroupement, de tri et de préparation : Recycleurs bretons, Ets Théaud, Brangeons-Fer, Bati recyclage.
La Bretagne peut progresser
Le taux de collecte des emballages vides de produits phytosanitaires (EVPP) et des produits d'hygiène en élevage laitier (PHEL) est plutôt satisfaisant, cependant des efforts restent à faire sur les films, les ficelles et filets car les taux de collecte ne dépassent pas 50 % (2018-2019) alors que le gisement breton est énorme. Pour comprendre pourquoi la Bretagne, championne du tri des ordures ménagères, se place derrière d'autres départements en matière agricole, des élèves de licence de l'Université de Bretagne sud, encadrés par la chambre d'agriculture de Bretagne, se sont intéressés aux déchets des agriculteurs bretons. À partir de 720 réponses (80 enquêtes terrain et 640 questionnaires en ligne), le groupe a collecté les réponses de 3 % des exploitations bretonnes. Un bon panorama ! Ce qui ressort est que 87 % des personnes enquêtées participent à la collecte, avec en tête des motivations, leur responsabilité citoyenne et non loin après, l'image de la profession et de leur exploitation. Quant aux déchets non collectés, ils finissent soit en déchetterie, soit sont éliminés sur l'exploitation ou stockés. Une grosse proportion, 43 %, jugent que la durée de la collecte est trop courte. "Les agriculteurs ont bien conscience de l’importance de trier les déchets sur leur exploitation. Le tri des bidons est acquis. Mais les agriculteurs voudraient emmener leurs déchets tout de suite dès qu'ils trient. Certains rêvent d'une collecte toute l'année, voire d'un ramassage direct en exploitation", rapportent les étudiants. Le directeur d'Adivalor estime que les éleveurs ont moins la capacité à se plier à un calendrier de collecte à cause d'un "agenda journalier chargé" et la présence aussi de déchets encombrants de type enrubannage. "Ce n'est pas les mêmes agendas entre un céréalier et un éleveur", reconnaît Pierre de Lépinau. Faut-il multiplier les périodes de collecte ou songer à une collecte à l'année ? A l'issue du Copil, les acteurs (chambre d'agriculture, Adivalor, coopératives...) ont décidé de se rendre sur des sites réalisant de la collecte à l'année pour en mesurer la faisabilité. Une autre idée serait la création de déchetterie professionnelle à l'échelle des collectivités territoriales.
Enquête terrain : les pistes d'actions
- Allonger la durée de collecte pour tous les déchets agricoles à minimum un mois voire toute l’année,
- Mettre en place un ramassage directement en exploitation
- Disposer de zones de tri grands volumes sur les exploitations (autres moyens que les sacs)
- Envisager un partenariat avec les déchetteries locales
- Développer l’information et la communication portant sur le calendrier des collectes et le tri
- Apporter des réponses aux déchets sans filières
(source étude CRAB/UBS)
Les déchets sans filières
Reste le problème des déchets dont on ne sait pas quoi faire : les pneus ou les déchets orphelins type manchons de salle de traite, pipettes et auges plastiques... qui s'accumulent dans les élevages. Les filières sont inexistantes ou à créer.
Trop coûteux pour l'exploitant, l'enlèvement des pneus est un souci. Des aides de l'Etat existent (à hauteur de 50 %). "Si on crée une structure, un collectif d'agriculteurs par exemple, là il y a moyen d'organiser les choses", explique un des acteurs.