À Beuzec Cap Sizun, des vêlages d’automne pour profiter de l’herbe
Dans cette zone séchante du Finistère, à 300 mètres de la mer, l’herbe ne pousse plus de juin à septembre. Laurent Le Pape a donc fait le choix de vêlages d’automne, au moment où elle est à nouveau abondante. Une organisation qui lui a permis de rationaliser le travail, y compris sur l’élevage des génisses, avec deux lots d’animaux ayant le même âge.

Producteur de lait à Beuzec Cap Sizun, Laurent Le Pape dispose aujourd’hui de 100 ha de SAU. Si 40 sont groupés autour des bâtiments, les autres sont très morcelés, jusqu’à 10 km du siège de l’exploitation. Une situation qui l’a amené à privilégier le maïs jusqu’à la crise du lait de 2009. Il décide alors de faire évoluer son système et rejoint le groupe lait de Res’agri. Peu à peu, l’élevage gagne en autonomie et le maïs perd du terrain, passant de 35 à 25 ha en 2013.
Passage en bio en 2015
Et c’est la seconde crise du lait, en 2015, qui le pousse à franchir le pas de la bio. "Avec une ration à base d’herbe, je produisais moins de lait. Autant qu’il soit mieux valorisé". C’est aussi l’année où il adhère à nouveau au contrôle laitier et revoit en profondeur son système de production.
"Ici, de juin à septembre, l’herbe ne pousse plus", constate Laurent Le Pape. Difficile, dans ces conditions, de se passer de maïs, qui occupe désormais 15 ha pour nourrir ses 80 laitières. C’est aussi ce calendrier qui le pousse à grouper ses vêlages à partir de mi-septembre, au moment où l’herbe redémarre. À la rentrée à l’étable, mi-novembre ou début décembre, les vaches reçoivent une ration à base d’ensilage d’herbe et de maïs, qui assure une bonne persistance de la lactation. Au 15 mars, quand le silo de maïs est vide, la pousse de l’herbe prend le relais. "Et en juin, on en était encore à une moyenne de 23 l par jour et par vache".
Rationaliser le travail
Si le groupage des vêlages s’est d’abord fait pour suivre la pousse de l’herbe, l’éleveur n’a pas tardé à constater un effet bénéfique sur son organisation du travail. "Ne pas avoir de vêlages 6 mois de l’année me permet d’être plus disponible au moment de la mise à l’herbe et des semis". Avec 30 ha à labourer, 15 pour implanter le maïs et 15 pour semer des prairies multi-espèces après le RGI qui a servi de couvert végétal après maïs, les travaux des champs ne manquent pas ! "Je n’ai alors plus aucun veau en nursery".
Toujours pour gagner du temps, le taux de renouvellement est limité à 18 %, soit 15 génisses par an. "Comme ça, elles rentrent en une seule fois dans la bétaillère". Un détail qui a son importance quand, aux beaux jours, elles changent de parcelle tous les deux ou trois jours. En juillet, quand il part en vacances, le remplaçant ne gère qu’un lot de vaches. "Et en août, quand mon salarié est à son tour en congés, le nombre de laitières descend à 50".
Deux lots de génisses
Autre astuce, "je garde les 15 premières femelles qui naissent". La conduite se fait alors en deux lots, première et deuxième année, avec des génisses qui ont toutes le même âge. "Et l’écornage n’a lieu qu’un jour par an".
Pour améliorer le produit veaux, Laurent Le Pape n’insémine en Holstein que les 30 premières vaches en chaleur, de quoi espérer 15 femelles. "Ensuite, j’introduis un taureau limousin dans le troupeau". Et en fin d’année dernière, les femelles croisées se négociaient à 150 €, les mâles à 200.
Vêlage à 25 mois
L’objectif est de faire vêler les génisses à 25 mois. "Mi-octobre, je suis sûr que l’herbe a recommencé à pousser". L’éleveur est donc attentif à leur croissance. "Je distribue du lait, à raison de 13 repas de 2 l par semaine, de la naissance à 6 mois". Un plan lacté qui les pousse à consommer rapidement du concentré et qui décale le stress lié au sevrage.
Les 10 premières génisses en chaleur sont inséminées avec de la semence sexée. "Je commence la surveillance début janvier, à une époque où j’ai du temps". Puis le taureau est introduit dans le troupeau. "Les dernières vêleront en mars et feront une lactation plus longue pour se caler avec les vaches".
Un nouveau métier
"J’ai changé de métier", estime Laurent Le Pape, en évoquant le passage à la bio et le challenge technique qu’il comporte. Le groupage des vêlages lui a aussi permis de s’organiser autrement. "De mi-septembre à mi-février, je suis à fond dans l’élevage. Puis, j’ai du temps pour m’occuper des cultures". Un système qu’il voudrait pousser encore un peu plus loin. "D’ici deux-trois ans, j’aimerai parvenir à caler les vêlages sur trois mois, du 15 septembre au 15 décembre". De quoi relâcher la surveillance pendant les fêtes de fin d’année.
Travaillant avec son épouse à mi-temps et un salarié à tiers temps, il voudrait passer ce dernier à temps plein, ce qui lui donnerait un peu plus de temps libre pour s’occuper de ses enfants et assumer ses responsabilités au sein de BCEL Ouest. "Pour y arriver, il faudra produire un peu plus de lait".