Femmes et agriculture : pourquoi aller vers plus de mixité ?
Avec 29 % de femmes parmi ses actifs, l’agriculture n’est pas un secteur mixte. Dans leur parcours scolaire et professionnel agricole, les femmes ont des difficultés du fait du poids des stéréotypes. En 2017, le Sénat a consacré un rapport sur la question de l’égalité en agriculture. Il souligne tout le chemin qui reste à parcourir pour faciliter l’accès des femmes aux métiers et aux responsabilités agricoles.
L’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes correspond à un objectif de société qui se traduit dans l’arsenal législatif : loi Roudy sur l’égalité professionnelle de 1983, renforcée par la loi Génisson de 2001, loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale, loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes avec notamment des actions visant à garantir l'égalité professionnelle et salariale et la mixité dans les métiers.
En agriculture, la reconnaissance du travail des femmes en agriculture a évolué. Elles ne sont plus simplement épouses d’agriculteur, sans statut ni revenu. Elles ont acquis des droits et notamment un statut : statut de "co-exploitante" (1980), de chef d’exploitation, notamment dans les Gaec (1982), création des EARL pour constituer des sociétés entre époux (1985), statut de conjoint collaborateur (1999), possibilité de constituer un Gaec entre époux (2010).
Selon la définition du Bureau International du Travail, l'égalité entre femmes et hommes signifie que les droits, les responsabilités, le statut social ne doivent pas dépendre du sexe des individus. Mais elle "ne signifie pas que les hommes et les femmes soient ou doivent devenir identiques". D’ailleurs, la mixité dans l’emploi permet d’enrichir le contexte professionnel grâce aux spécificités, aux compétences particulières de chaque sexe. Et en agriculture, compte tenu des difficultés de recrutement, l’emploi des femmes est une opportunité pour trouver les compétences dont le secteur a besoin.
Pour être considéré comme mixte, un secteur doit être composé de 40 à 60 % de femmes. Avec 29 %, l’agriculture ne répond pas à cette définition. Et dans le secteur, les stéréotypes sur la répartition "naturelle" des tâches entre hommes et femmes ont la vie dure. Or, les exemples de femmes tout à fait à l’aise dans les domaines dits masculins sont la preuve que cette répartition ne se justifie pas.
Des difficultés à toutes les étapes de leur parcours
Dans les formations scolaires en production et aménagement, les filles sont sous représentées (27 % de filles) hormis dans les filières équines (84 %), canines (66 %) et horticoles (51 %). Elles sont quasi absentes en agroéquipement (1 %) et travaux paysagers (7 %). En apprentissage, elles n’occupent que 9 % des effectifs. Les enquêtes(1) montrent que trouver un maître de stage peut être plus compliqué pour elles. Quand elles le trouvent, certains leur donnent des tâches moins intéressantes et moins variées qu’aux garçons.
Pour celles qui veulent s’installer, l’accès au foncier peut s’avérer difficile. Certains cédants sont réticents à vendre leurs terres à une femme. En tant que stagiaires, agricultrices ou salariées, la profession est souvent beaucoup plus exigeante vis-à-vis d’elles. Plus qu’aux hommes, on leur demande de faire leurs preuves, de montrer qu’elles sont capables.
44 % des femmes síinstallent avec un projet de vente directe et/ou de transformation.
Des installations en toute autonomie
Contrairement à beaucoup de femmes des générations passées, les épouses d’agriculteurs qui s’installent aujourd’hui avec leur mari le font par choix. De plus en plus de femmes ont aussi un projet professionnel personnel. Elles sont 48 % à s’installer hors cadre familial (HCF) en 2018, contre 17 % en 2005. L’installation HCF est moindre chez les hommes et a moins progressé (de 29 à 32 %).
Les femmes s’installent plus en agriculture biologique (44 %) que les hommes (25 %). Elles sont également plus enclines au développement d’activités de diversification. Près de la moitié (44 %) des femmes s’installent avec un projet de vente directe et/ou de transformation (contre 15 % des hommes). Ces activités leur permettent de créer de la valeur ajoutée, de lutter contre l’isolement et de mieux s’intégrer sur le territoire.
9 500 femmes chefs d’exploitation
La part des femmes parmi les chefs d’exploitation est de 26 %, ce qui est stable depuis au moins 25 ans. Les agricultrices exercent plus souvent un emploi non agricole avant de devenir agricultrice. Certaines s’installent avec leur mari pour acquérir un véritable statut et une meilleure retraite. Quand elles reprennent l’exploitation familiale au moment de la retraite de leur mari, c’est aussi pour prolonger l’activité de l’exploitation : ces transferts entre époux sont courants dans le secteur.
11 300 femmes salariées agricoles
Les femmes occupent trois postes salariés sur dix. Elles sont très présentes en cultures spécialisées (44 % de femmes, essentiellement en serres), en élevages de petits animaux (39 %, surtout en poules pondeuses), en conchyliculture (38 %) et dans les activités liées au cheval (64 %). Les cultures spécialisées et la conchyliculture sont aussi des activités saisonnières avec une majorité de CDD.
Le paysage, le machinisme agricole et les travaux forestiers sont des milieux très masculins, avec seulement 9 à 12 % de femmes…, sachant qu’en plus, elles peuvent y occuper des postes administratifs.
Les femmes occupent un peu plus du quart des postes en productions porcine et laitière. En porc, elles accèdent plus aux postes en maternité qu’en engraissement et verraterie-gestante. Les postes très polyvalents en lait avec des activités périphériques à l’élevage (maintenance des équipements, coupe de bois, bricolage…) sont moins facilement confiés à des femmes.
La prise de responsabilité, un levier pour plus d’égalité
Le rapport du Sénat de 2017, "Femmes et agriculture : pour l’égalité des territoires", liste 40 recommandations pour faciliter l’accès et le travail des femmes en agriculture. La féminisation de la gouvernance de la profession y ressort comme un objectif prioritaire. Donner aux femmes les moyens de s’investir dans ces instances contribuera à faire entendre leur voix, changer les mentalités et contribuer à la féminisation de la profession.
(1) Études chambres d'agriculture de Bretagne.
3 Idées fortes
L’égalité, cela signifie que les droits, les responsabilités, le statut social ne doivent pas dépendre du sexe des individus.
Les agricultrices sont particulièrement confrontées aux contraintes liées à l’articulation entre vie professionnelle et familiale. Statut, formation initiale et continue, protection sociale, retraite… : de multiples enjeux sur ces thématiques.