Une charte pour une gestion économe et une vision partagée
1 500 ha étaient alors perdus, artificialisés tous les ans dans le Morbihan. Pour enrayer cette gloutonnerie de terres agricoles, tout en gérant de manière économe l’espace, la charte de l’agriculture et de l’urbanisme, validée en 2008, a été rajeunie début 2020. Ses principes sont réaffirmés en intégrant les nouvelles règles.

"Depuis sa signature, cette charte n’a jamais été contestée parce que nous avions une vision partagée. Préfet, conseil général, association des maires, chambre d’agriculture, cela arrangeait tout le monde que les règles soit écrites", rappelle Alain Guihard, président de la commission foncier et urbanisme de la chambre d’agriculture du Morbihan. L’artificialisation des terres du Morbihan allait alors bon train. "Or personne ne voulait que le Morbihan devienne la Côte d’Azur bretonne". Dont charte !
Préserver le foncier, être économe
"Sur les documents d’urbanisme, les zones agricoles apparaissaient à l’époque en blanc, comme de vastes zones colonisables, sans reconnaissance de l’activé économique", se souvient Pierre Toullec, conseiller en charge du dossier urbanisme à la chambre d’agriculture du Morbihan. "Souvent en commission d’urbanisme, la confrontation était de mise avec les services de l’État. On n’arrivait pas à avoir de position commune sur l’extension d’une zone constructible, d’un hameau…", rappelle-t-il du contexte.
"Ne plus miter l’espace agricole ! Il fallait que nous nous mettions tous d’accord sur l’idée de préserver le siège d’exploitation parce que c’est là que l’on installe à 80 % les jeunes agriculteurs. Il fallait préserver l’activité agricole. On mesure aujourd’hui l’enjeu de préserver l’autonomie alimentaire", cadre Alain Guihard, éleveur laitier à Saint-Dolay. Cet homme du dialogue fut, avec d’autres, artisan de la charte pour que les choses changent autour d’un premier consensus : "il fallait préserver le foncier, la production alimentaire devenait prioritaire". Une reconnaissance pour ce pan de l’économie en gravant notamment dans le marbre qu’on ne construit pas dans les 100 m du siège d’exploitation. "Et si on déroge à la règle, on créé une servitude devant le notaire, qui suit la vie et la vente de la maison", poursuit-il.
Personne ne voulait que le Morbihan devienne la Côte d’Azur bretonne.
Un socle commun
"Mieux valait arbitrer une fois pour toutes, porter une vision commune, une règle partagée avec les maires, l’État pour préserver le foncier agricole avec un argumentaire construit noir sur blanc, dans un document disponible pour tous, ce qui évitait de se répéter". Un gage de transparence, "pas de copinage", que défendront ses partisans sur des sujets sensibles, quasi viscéraux et sans remise en cause des associations environnementalistes, "car en protégeant l’agriculture, on protégeait un environnement qui ne serait pas bétonné", souligne Alain Guihard.
"Cela nous a permis d’avoir en amont une politique d’urbanisme et d’être dans l’anticipation en disant aux porteurs de projets si vous voulez faire, faites le plutôt comme ça. C’est plus constructif que d’arriver en fin d’instruction d’un dossier de permis de construire et de le retoquer !", résume Pierre Toullec. Un socle commun, tant pour la définition des politiques publiques que pour leur application dans le département. "Chacun avait ce document sur la table. En 2008, on était tous fiers, conscients que cette charte était avant-gardiste", rappelait en février dernier, Yves Bleunven, maire de Grand-Champ, président de l’association des maires et présidents d’EPCI du Morbihan.
Chaque département breton s’est doté de son document. "Ils sont tous différents, leur portée aussi". Reste que depuis lors, de nouvelles règles sont apparues (1). Mise en oeuvre au quotidien (2), cette charte, si elle n’a pas valeur réglementaire, "porte celle du consensus et assoie un bon fonctionnement et de la méthodologie. Les signataires s’engagent à mettre en application les principes et les expliquer". Essentiel pour Alain Guihard.
(1) Les nouveautés
Le coup de jeune porté à la charte en 2020 intègre des préconisations concernant le photovoltaïque, la méthanisation et l’éolien, les extensions et annexes des habitations de tiers en zones A et N, une fiche sur l’exploitation agricole et ses besoins, la prise en compte de la charte riverain, de la circulation des engins agricoles dans les aménagements de bourgs et de voiries, le rappel de l’importance de la gestion économe du foncier et l’objectif ZAN, l’identification et la mobilisation des capacités de densification, renouvellement, logements vacants et changements de destination...
(2) La charte au quotidien
Elle sert de :
- cadre pour les demandes d’autorisations d’urbanisme, utilisé par les pétitionnaires, les services instructeurs, permis de construire…),
- guide pour l’élaboration des documents d’urbanisme, utilisé par les bureaux d’études, les élus locaux...,
- préfiguration des avis (consulaires, État, commissions préfectorales...),
- support d’une volonté d’échan-ges en amont des projets.