Victoria Skoczek : "je voulais ma ferme à moi"
à tout juste 30 ans, le 1er janvier dernier, Victoria Skoczek s’est installée, reprenant un atelier porcin, à Locqueltas, aux portes de Vannes. Ni d’ici, ni du milieu agricole, elle s’est pourtant passionnée pour le cochon, y compris en race de sauvegarde. Un univers dont elle a poussé les portes, où elle a fait ses preuves et qui la comble. Parcours.

"C’est vachement attachant un cochon ! C’est très intelligent", justifie Victoria. Elle a tout juste 22 ans quand elle intégre, un BTS ACSE à Rambouillet, avec une passion, celle du cheval. Elle finit enfin par dénicher un apprentissage : "en élevage porcin Basse Normandie". C’est la révélation : "je suis tombée en amour du cochon grâce à un super maître d’apprentissage", qui saura l’accueillir et, avec les salariés en place, 11,5 UTH, lui ouvrir les portes. Cette jeune femme, à la maman et au papa commerçants, y apprendra beaucoup avant de poursuivre ailleurs son parcours puis en Bretagne, à 25 ans. Une région choisie au hasard d’un doigt posé sur la carte de France, proche de Vannes pour que son compagnon menuisier puisse aisément travailler. Elle enchaîne là des contrats, avec plus ou moins de bonheur, passant du salariat en exploitation porcine "où l’on m’expliquait que je ne valais rien et que je ne réussirais à rien", à celle de son dernier employeur, durant près de quatre ans. "Une structure familiale en trois sites. Il m’a redonné confiance, me laissant ma chance. Je m’y occupais de tout".
Une ferme sur mesure
"J’avais depuis longtemps réfléchi à l’idée d’être mon propre patron. À Rambouillet j’ai été sensibilisée aux races de sauvegarde, c’est après que j’ai découvert le Porc Blanc de l’Ouest qui s’élève en plein air", raconte Victoria dans ce grand sourire qui illumine un visage où l’enfance n’est jamais loin. Avoir sa ferme à elle, un objectif dont elle ne se cachera pas. Tout en travaillant, Victoria se met en quête, "je ne trouvais rien". C’est un technicien d’Eureden qui lui donnera l’information. "Il avait eu des bons échos de mon travail et il m’a dit qu’il connaissait une ferme à reprendre. Rien n’arrive par hasard, c’était en mars 2019, je suis allée visiter l’atelier de Michel Guernévé, il est maire de Locqueltas (syndicaliste FDSEA, élu chambre, à l’origine du service de remplacement morbihannais, le Seremor, investi à la Cecab, maire de sa commune… ndlr). Il prenait sa retraite mais pas celle de maire. Ça m’a plu", raconte la jeune femme qui a épluché les résultats techniques, passé au crible les bâtiments, épaulée par Daniel Flohic, conseiller de la chambre d’agriculture à Vannes qui l’a accompagnée dans son installation. Une ferme : "faite pour moi, des bâtiments anciens mais très fonctionnels, ils travaillent bien, 450 places en post sevrage et 850 en engraissement. Le façonnage, quand tout va bien, c’est une heure de temps par jour et une semaine de boulot toutes les huit semaines". Parfait pour vivre et développer ce à quoi elle rêve pour sa famille sur les 27 ha dont elle dispose (17 achetés).
Un métier porteur de sens
Car dans quelques jours, quatre truies, trois cochettes et un verrat gambaderont sur 3 ha que le jeune couple clôture "pour les normes de biosécurité". Objectif "démontrer qu’on peut tout faire en cochon : du qualitatif et quantitatif avec mes porcs en conventionnel et du qualitatif plus-plus avec mes Porcs Blancs de l’Ouest", note t-elle, déterminée et investie, y compris auprès des JA et notamment dans le comité organisateur de la future fête de l’agriculture. "Nourrir, c’est un métier porteur de sens", défend avec passion la jeune femme qui va développer son atelier en vente directe, y compris au marché des Lices à Vannes. "J’ai fait mon étude de marché, j’ai trouvé l’atelier de découpe, un porc par semaine en caissette et au détail". Une activité mûrement réfléchie, qui devrait constituer 50 % de son chiffre d’affaires, à termes, et l’autre moitié apportée par son atelier plus conventionnel avec cultures de vente. "C’était la condition pour que j’ai un revenu suffisant", note Victoria Skoczek. Elle a investi
300 000 euros pour s’installer, achat des terres compris. Pour ce faire, elle a bénéficié des aides, une DJA, Dotation Jeune Agriculteur, de 24 000 euros étant hors cadre familial et d’un prêt d’honneur de 50 000 euros "à taux zéro de la Région Bretagne, différé sur trois ans et remboursable sur cinq, pour lancer l’activité Porc Blanc de l’Ouest et composer le fonds de roulement".
Prendre sa place
La prise de décision est allée vite, "je n’ai eu que six mois avant de m’installer. Après la rupture conventionnelle, et Pôle emploi, j’ai pu bénéficier durant quatre mois précédant l’installation d’un stage de parrainage pour le passage des rênes. Une transmission progressive avec mon cédant". Un parcours durant lequel "je me suis faite accompagner par la chambre d’agriculture, c’était très dense, avec toutes les formations obligatoires. Je continue à me former sur la vente directe", pointe, lucide, la jeune femme. Un sans faute, "parce que toutes les formations sont tombées, au bon moment", à l’itinéraire compliqué, "parce que je ne connais pas les réseaux". Et un milieu qui ne s’ouvre pas si facilement : "il fallait que je fasse mes preuves. J’ai eu raison d’attendre pour m’installer. Cette ferme est venue à moi et elle est faite pour moi. Il ne faut pas hésiter à s’entourer, à poser des questions, à se former, toujours. Car dans une exploitation, il faut savoir tout faire".
Le stage de parrainage, pour tester
Ce stage, de la formation professionnelle est ouvert aux installations hors cadre familial, sur l’exploitation à reprendre, et/ou en test d’association, avec une aide de 652 € ou avec ses droits Assedic pour les demandeurs d’emploi, ceci sur une durée pouvant atteindre un an. Ce stage permet de tester et de se familiariser avec l’outil à reprendre, de mettre le pied à l’étrier et de bénéficier du tuilage du cédant ou des futurs associés !
Porc blanc de l'Ouest
Du dodu Porc Blanc de l’Ouest, il ne subsiste que 180 truies en France. Victoria Skoczek l’a découvert par ses recherches. Une race à croissance lente, 10 à 12 mois avant d’être à maturité et d’atteindre ses 120 kg avec "un bon gras, aux acides polyinsaturés, les meilleurs", y compris au goût pour les connaisseurs, porc original du jambon de Paris et des rillettes du Mans.